Le mégacontrat de 10 milliards de dollars baptisé « Joint Enterprise Defense Infrastructure », passé en 2019 entre le ministère de la Défense américaine et Microsoft afin d’héberger ses données dans le cloud, a été enterré par le Pentagone, mardi.
Le ministère prévoit désormais de se tourner vers plusieurs entreprises pour un nouveau contrat, le « Joint Warfighter Cloud Capability (JWCC) », qui se substituera au Jedi. Mais, sans surprise, Microsoft devrait à nouveau être choisi par le ministère tout comme… Amazon, préalablement écarté, et qui avait porté l’affaire devant les tribunaux. Il s’agit en effet des deux seuls groupes actuellement « capables de répondre à ses besoins ». Les deux leaders incontestés du cloud mondial, dont l’un clamait avoir été injustement éloigné.
La fin du Jedi constitue ainsi un « happy end » pour Amazon et pour un dossier tumultueux dans lequel l’ancien président Trump aurait eu une influence. Ce dont se défend toujours le Pentagone.
Microsoft comprend, Amazon savoure
Le contrat Jedi, d’une durée de dix ans, visait à moderniser la totalité des systèmes informatiques des forces armées américaines, intégrant notamment davantage d’intelligence artificielle. Dès la conclusion de l’appel d’offres à l’automne 2019 pour ce contrat, Amazon, initialement (et plutôt logiquement) considéré comme favori, avait vivement remis en cause le choix du ministère. L’entreprise avait déjà décroché plusieurs contrats gouvernementaux dont un avec la CIA.
Le géant du commerce en ligne, devenu un expert des services pour informatique dématérialisée, accusait notamment l’ex-président américain Donald Trump d’avoir piloté le choix du Pentagone en raison de son animosité envers Jeff Bezos, son fondateur. Ce dernier est aussi propriétaire du Washington Post, un quotidien qui a publié de nombreuses enquêtes sur l’ex-locataire de la Maison-Blanche.
A l’époque, d’après James Mattis, l’ancien secrétaire d’Etat américain à la Défense, Donald Trump avait dit au secrétaire à la Défense, Mark Esper, « d’envoyer paître Amazon » lors d’une discussion sur ce contrat. Ces propos avaient été rapportés par Guy Snodgrass, un proche de James Mattis, dans un livre paru en octobre. James Mattis a quitté son poste en décembre 2018, critiquant notamment la stratégie diplomatique du milliardaire.
« Nous comprenons les raisons du ministère de la Défense », a réagi Microsoft, bon joueur, sur son site. Le ministère faisait « face à un choix difficile : poursuivre ce qui aurait pu devenir une bataille judiciaire de plusieurs années ou trouver une autre voie à suivre (…). La sécurité des Etats-Unis est plus importante que n’importe quel contrat », a commenté le groupe.
Amazon a de son côté salué ce retournement. L’attribution du contrat à Microsoft « n’était pas fondée sur les mérites des propositions mais plutôt sur le résultat d’une influence extérieure qui n’avait pas sa place dans la procédure de marchés publics », a affirmé le groupe, sans mentionner l’ex-président.
Le Pentagone défend toute erreur
Quand Jedi a été conçu, c’était « la bonne approche ». Mais « le paysage a changé, tout comme nos besoins », a toutefois tenu à minimiser John Sherman, responsable des systèmes d’information au ministère de la Défense. « La transformation vers le cloud ne ralentit pas, le Pentagone devait prendre cette décision », a-t-il affirmé, évoquant « l’urgence » de la situation, mais réfutant toute « erreur ».
« La raison principale » de la décision annoncée mardi « ne relève pas de ce qui a pu se passer sous la précédente administration, de ce qui a pu être dit ou non, de la procédure judiciaire », a encore asséné John Sherman. (AFP)